La confrontation… J’ai beau être très en paix en ce moment, mon nouveau chemin de vie n’implique pas l’oublie de certaines valeurs primordiales.
Je suis contraint de rendre le lit de camps et la penderie que Luis m’avait prêtée après une dispute. Pas moyen de lui faire entendre raison… Il ne pouvait pas s’empêcher de juger les personnes que j’aidais ou avec qui je passait du temps. ‘This crazy lady bro?’, ‘Are you going to help all the homeless people of town?’. Il mérite le ‘mother fucker’ que je lui lance un matin où on se rencontre dans un collectivo pour aller bosser. Toutefois, comme j’ai pu l’apprendre, après une tempête il faut savoir reconstruire et pardonner si le climat redevient clément.
Ma relation avec la boulangerie était simple et pure. Un échange de bons procédés et de bonnes ondes jusqu’à ce que le côté matérialiste et frustré du proprio vienne à prendre le dessus. Il voulait en quelque sorte avoir la main sur moi. Pour faire court j’y avais la cuisine ouverte et le frigo pour garder mes provisions que je partageais chaque fois que je cuisinais. J’apprenais à faire du pain, je payais mon café comme tout le monde. On m’y laissait un espace de travail pour bosser avec l’ordi que j’avais acheté.
J’y donnais les cours de français qui remplissais l’étage en heures creuses, ce qui représentait une rente supplémentaire et une image dynamique pour la boulangerie. On avait introduit l’idée que je pourrais faire le menu qui manquait réellement, une partie de l’échange qui me paraissait équilibré. Ca commence à déconner quand François commence à vouloir me commander et à décortiquer les poids de la relation afin de me tenir. Dans la minute, de colère, je quitte l’endroit en emportant mon ordi et mes provisions, je pars m’installer dans l’école C-CABIT en laissant derrière moi les cours où on avait tous à y gagner. C’est bien dommage, je souhaite juste que cela lui serve de leçon plus que de le convaincre qu’il est dans le bon…
Je commence à avoir mes petites habitudes et me sens déjà intégré ici où les étrangers sont bien rares. Je me fixe comme objectif de finir le site de l’école avant de partir pour Playa del Carmen où l’on m’assure que je pourrais facilement trouver un boulot dans le tourisme. Une fois chose faite je peux enfin m’envoler de nouveau. Je n’oublie pas de passer dire au revoir aux personnes qui m’ont aidé à avancer sur mon chemin ici à Tuxtla. Notamment Amina, prof de français à l’UNACH avec qui on partage histoires de voyages et cafés le matin avant de s’y mettre. Débohra et sa fille, directrice d’une petite école catholique à qui je donne des cours particuliers, pain et fromage toujours au rendez-vous, elle m’illumine de sa foi. Luis avec qui on a fini par se réconcilier. Fanim, que j’ai fini par renvoyer là où je l’avais trouvé, après trois discutions l’échange ne s’équilibre pas, il devra partir. Cet échange nous aura toutefois fait énormément grandir tout les deux. FX avec qui on a beaucoup partagé, il s’est libéré récemment de l’emprise du patron diabolique et travail aujourd’hui sur une opportunité très promèteuse à Via Hermosa en collaboration avec le patron mexicain. Karen et Aoriosto du CCABIT qui étaient devenus ma deuxième maison. Le cordonnier de génie du marché central, qui m’apprend à réparer mes sandales, il m’offre mon premier outil pour mon départ, un crochet. On couvrira ensemble mon second carnet de bord d’une peau délicate et il invente un ingénieux système de fermeture.
Aoriosto (le directeur du CCABIT) me met d’ailleurs en contact avec sa cousine qui part pour la jungle une petite semaine avec son groupe d’étudiants en tourisme rural. Ils me font une place dans le bus et j’ai enfin mes premiers contacts avec la Selva et ses habitants. J’apprends des Lacandones, peuple qui ne compte à présent plus que quelques centaines d’âme, ils restent impénétrables. Descendants directs des mayas ils vivent de leurs traditions et sont très connectés à la nature. On randonne pieds nus de jours et de nuits sur les petites pistes de la Selva, on boit l’eau des cascades et mangent les petits poissons des lacs sacrés. J’apprends à reconnaitre quelques des innombrables espèces qui sauvent et qui tuent et me familiarise avec mon nouveau compagnon de route, le hamac. On visite également pas mal de sites achéologiques, notamment celui de Bonampak, qui, bien qu’il ne soit de loin le plus impressionnant, me transporte littéralement près de 2000 ans dans le passé. Tous ces endroits sont chargés de mythes, de mystères et d’histoires magiques.
Le bus me laissera au croisement entre le retour vers Tuxtla et la route qui mène aux caraïbes. Je m’élance pour deux jours et deux nuits sur la route où je m’arrête pour voir les ruines de Palenque. Deux jours très contrastés entre les belles et les mauvaise rencontres, les surprises du climat, l’agressivité des petites meutes de chiens errants comme des habitants de plus en plus pourris par le tourisme en approchant des caraïbes.
Je suis vraiment dans la désorientation et la désolation la plus complète de constater à quel point ce phénomène change les gens, encore une histoire de tunes quand on y pense… Heureusement qu’aujourd’hui, fort de mes expériences et de mon apprentissage passés ici au Mexique je sais me positionner et la langue fait toute la différence.
Je rejoins Playa del Carmen, je l’avoue, très fatigué. N’ayant pas vu une douche depuis une semaine, pas dormi plus de 4 heures par nuit, je transpire quasiment le venin des piqures que je n’ai pas brûlées et honnêtement j’ai mal aux pieds.
Malgrès tout ça les amis, je n’ai jamais été autant sûre de ce que je voulais dans la vie.
Pour ceux qui ne sont pas encore au courant, je rentre le 22 août de cette année. Je m’explique. A cette date je compte avoir rejoint le Costa Rica, qui représente approximativement la moitié du chemin géographiquement parlant. De plus, a la date du 22 août cela fera précisément un an que je serais parti. Je resterais un mois dans les environs avant de repartir pour la deuxième partie du voyage depuis le Costa Rica. Je constate avec peine que cette décision suscite la déception chez certains. ‘Soit tu le fais jusqu’au bout soit tu rentres pour de bon’, à ceux là, je dis: comprenez moi. Je ressens le besoin de reconnecter les miens, un ans ça n’a rien d’extraordinaire mais j’en ressens le besoin. D’ici il n’est pas évident pour moi de communiquer avec vous et de partager mes expériences qui, je le sais, peuvent aider.
Pour le côté pratique, à ceux que ça dit, j’atterris à 11h10 le jeudi 22 août à Paris CDG, on prend le train de 12h36 et on arrive à Strasbourg à 15h. On se voit là bas pour un calin et on festoyera le vendredi 23.
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